
Al : Mais je suis Al tout de mĂŞme, ancien soldat de l’armĂ©e amĂ©ricaine, et si vous n’en croyez rien, si mon allure vous Ă©gare, moi, je m’y reconnais très bien. Ne vous y trompez pas : il est des gĂ©nĂ©raux, mĂŞme, qui dans le civil ont des allures curieuses, un genre Ă la française, des allures de poules ; eh bien, voyez les dieux qu’ils sont sur un champ de bataille. Or moi, deux mots Ă la radio m’ont brusquement remis dans le nez cette odeur familière, nocturne, si lointaine dĂ©jĂ , des campements de guerre – l’odeur d’homme et de forĂŞt – et dans mes oreilles, les bruits profonds et inquiets de la jungle piĂ©gĂ©e et des hommes en Ă©veil ; et, au fond de mes yeux, l’infini dessin des cercles des avions qui tournent en silence, et vous tiennent debout ; oh, le goĂ»t de la guerre, le vrai goĂ»t de l’AmĂ©rique, que j’ai bien reconnu. Il faut s’ĂŞtre trouvĂ©, un matin, après l’affrontement, seul, Ă©garĂ©, Ă©puisĂ©, sur un terrain inconnu et hostile, tout fumant encore et couvert de cadavres, et se rĂ©veiller lĂ d’un Ă©vanouissement ; il faut avoir voulu mourir, un jour, dans l’enfer Ă©tranger ; alors soudain, c’est lĂ que votre oreille frĂ©mit, que votre cĹ“ur se rĂ©chauffe ; tout Ă coup, dans cette plaine ennemie chaude encore de sang, quand vous vous croyiez seul et appeliez la mort, il rĂ©sonne près de vous quelques mots dits tout bas, un juron de chez nous, quelque chose comme « What a mess ! » ou « Where are my boots ? », n’importe quoi, mais soudain cet accent familier, le goĂ»t de notre AmĂ©rique au fin fond de l’enfer, qui vous ramène Ă la vie, et que j’ai reconnu, ce soir.
Bernard-Marie Koltès, Sallinger, extrait.
1978 | Lyon (France) | MeS : | Bruno Boëglin | ||
Théâtre : | Eldorado | ||||
Programmation : | Création mondiale. Courant 1978 | ||||
1996 | Orléans (France) | MeS : | Anne-Françoise Benhamou | ||
Théâtre : | Centre Dramatique National | ||||
Programmation : | courant 1999 | ||||
1999 | Dijon (France) | MeS : | Jean -Christophe SaĂŻs | ||
Théâtre : | Théâtre des Feuillants – Festival Théâtre en mai | ||||
Programmation : | courant 1999. Puis Saint-Denis (France), Théâtre Gérard-Philippe, 2000 | ||||
avec Mathieu Genet (Leslie), Audrey Bonnet (June), Natalie Royer (Le Rouquin), Maurice Bénichou / Michel Perlon (Al) Lumière et décor Jean Tartaroli | |||||
1999 | Paris (France) | MeS : | Michel Didym | ||
Théâtre : | Théâtre des Abbesses (Théâtre de la Ville – Cie Boomerang) | ||||
Programmation : | courant 1999 | ||||
2003 | Ivry-sur-Seine (France) | MeS : | Elisabeth Chailloux | ||
Théâtre : | Théâtre des Quartiers d’Ivry | ||||
Programmation : | Ă partir du 03 novembre 2003 | ||||
avec Clémence Barbier, Elisabeth Chailloux, Stéphanie Correia, Daniel Dublet, David Gouhier, Zakariya Gouram, Natacha Koutchoumov, Stéphanie Schwartzbrod, Charlie Windelschmidt.Scénographie Yves Collet, Costumes Marc Anselmi, Lumières Yves Collet, Son Anita Praz | |||||
2005 | Varsovie (Pologne) | MeS : | Michal Sieczkowski | Traduction : | Barbara Grzegorzewska |
Théâtre : | Przestrzen Wymiany Dzialan Arteria | ||||
Programmation : | Ă partir du 26 avril 2005 | ||||
avec Agata Buzek (Carole), Ewa Dalkowska (Ma), Katarzyna Godlewska (June), Anna Gajewska (Anna), Kacper Kuszewski (Leslie), Lech Lotocki (Al), Pawel Koslik (Henry), Pawel Prokopczuk Décor Magali Murbach Costumes Radana Ivancic & Pawel Iwancic Musique Bartlomiej Zajkowski Assistante mise en scène Diane Lapalus |
1995 | français | Sallinger | ||
Editions : | Éditions de Minuit, Paris | |||
1995 | allemand | Sallinger | Trad : | Corinna Frey & Simon Werle |
Editions : | Verlag der Autoren, Franckfurt | |||
2004 | anglais | Sallinger | Trad : | David Fancy |
avec Quay West, In the Solitude of the Cotton Fields, Night just before the forest | ||||
Editions : | Methuen, Londres | |||
2005 | italien | Sallinger | Trad : | Franco Quadri & Cherif |
avec Le Amarezze, L’Eredita, Roberto Zucco. in De Sallinger à Roberto Zucco | ||||
Editions : | Ubulibri, Milan | |||
2003 | turc | Sallinger | Trad : | Isik ErgĂĽden |
avec Roberto Zucco, Tabataba, Çôle Geri Dönus, | ||||
Editions : | Dost kitabevi, Istambu |
Bruno Boëglin |
Petits et grands errent. |
Tous, ils pataugent tous sous un ciel bouché. |
Dans les plaques de neige Ă demi fondue de New York, la grande ville. |
Dans le fouillis des rues sans perspective. |
Dans les boîtes de nuits où toutes les filles sont belles. |
Sur les splendides parquets d’appartement coincés. |
Alors, bien sûr, il traîne des suicides et des folies et plus loin dans le monde les meurtres gigantesques du Vietnam et de la Corée. |
À l’écart de tous les piétinements, le Rouquin, déjà mort, sourit. |
Bruno Boëglin, 1997 (entretien avec F. K. pour le film « Comme une étoile filante») |
J’avais lu “ La nuit juste avant les forĂŞts du Nicaragua ”, premier titre, puis j’avais lu le roman “ La fuite Ă cheval ” puis je l’avais rencontrĂ©… Ça s’est fait vraiment comme ça…pas plus compliquĂ©. Il y a eu des rĂ©unions…oĂą on parlait beaucoup de Salinger, pas beaucoup de son Ă©criture, pas du tout, pas du tout ce que j’avais fait moi avant, comme comĂ©dien ou metteur en scène, pas du tout le trajet des autres personnes qui Ă©taient mĂŞlĂ©es Ă l’aventure… |
…Quand il m’a donnĂ© le manuscrit,…je me disais c’est pas possible j’y arriverai pas…Il y avait huit ou neuf monologues qui faisaient quatre ou cinq pages et dedans Ă©tait contenu absolument – je ne suis pas un spĂ©cialiste des textes de Bernard – mais, Ă©tait contenu absolument tout ce qui allait devenir son oeuvre d’écrivain de théâtre. |
Jean-Christophe Saïs, Magazine littéraire n°395, févier 2001 |
J’ai l’impression que si l’Ĺ“uvre de Koltès est aussi puissante aujourd’hui, c’est qu’elle touche Ă la mythologie de la mort. Or, le vĂ©ritable thème de « Sallinger » c’est prĂ©cisĂ©ment la mort. » |